Après cette belle incursion monténégrine, nous voici donc de retour en Croatie à Dubrovnik, en ce mercredi 2 décembre au soir. Après quelques mauvais jours question météo, nous sommes réveillés le lendemain matin par un grand ciel bleu sur cette petite baie ou nous avons élu domicile pour la nuit. Nous lézardons sur un petit ponton, dans cette belle petite crique de Zaton Mali (=petite crique) comme il y en a tant dans ce pays. Je profite de cette pause pour écouter les derniers enregistrements. Je suis chaque fois plus convaincu que les enregistrements ORTF, et plus largement les enregistrements en stéréo les plus intéressants sont les enregistrements acoustiques. Le résultat en prise de son devant une façade de sono n'est jamais très intéressant puisqu'on perd la spatialisation, qui est un des principaux intérêt de la prise de son en stéréo.
Nous repartons vers Split en longeant la côte, seule route possible. La route est magnifique et nous laisse entrevoir un pays aux paysages paradisiaques. Des îles partout, des baies, des criques, des montagnes, des forêts... Un vrai bonheur de longer cette côte , peu fréquentée en cette saison. Nous croisons peu de voitures, et une grande partie des maisons semblent fermées.
Nous faisons une halte d'une soirée à Makarska, une petite ville sur la route entre Dubrovnik et Split. Une jolie petite ville au bord de l'eau. Nous rentrons dans un bar, le « rockatanski » ou quelque chose de ce genre. Musique rock, et barman rock : Je l'ai baptisé « Ludi Lud » (ce qui pourrait signifier quelque chose comme le fou fou en croate). Ludi Lud est un allemand immigré en Croatie depuis 4 ans. Devinez la raison ? Hé oui, encore et toujours....une femme. Maintenant il en a marre et veut aller vivre à Berlin ou à Vienne. Il n'y pas grand monde à Makarska en dehors de juillet et aout. Pour un commerçant, il faut pouvoir tenir le coup tout le reste de l'année. Nous demandons à Ludi Lud s'il y a des concerts chez lui ce soir : non. S'il y en ailleurs dans la ville : non. S'il connait des musiciens ? Oui ! Ouf....Et il appelle même l'un deux , qui arrive peu de temps après : Ivo. Ivo est batteur et joue dans un groupe de blues : Dudlasi. Mais Dudlasi ne joue pas ce soir. Le groupe vient de sortir son premier album studio, après avoir signé avec le plus grand label croate, Croatia records. Malgé cela, aucun des musiciens du groupe ne vit de la musique, tous ont un emploi à côté. Ivo a amené un CD qu'il nous offre, Ludi le met sur sa platine, c'est parti ! Du blues, blues-rock, simple mais de bonne facture, chanté en Croate.
Ivo nous donne un contact à Split, un guitariste qu'il affectionne et qui connait aussi d'autres musiciens. Chouette, nous avons déjà un contact pour Split, ou nous serons dans un jour ou deux. Nous n'enregistrerons pas Dudlasi, mais nous aurons fait la rencontre d'un de ses musiciens. Nous quittons Makarska contents d'avoir rencontré Ludi Lud (il n'a pas aimé ce nom...) et Ivo et allons passer la nuit sur une falaise, avec vue sur les îles, s'il vous plait !
SPLIT
Le lendemain, après une suite interminable de virages sur cette route côtière, nous arrivons à Split. Nous avons choisi de passer deux ou trois jours à Split pour plusieurs raisons : cette ville est sur notre itinéraire , c'est une grande ville ou il y a de l'actualité musicale, et étant donné que nous n'irons pas à Zagreb, nous avons des chances de trouver de la musique ici.
A Split comme ailleurs dans le pays, on trouve de nombreuses chambres à louer chez l'habitant. Nous prenons deux nuits chez Bruno, un quinquagénaire très correct et cordial, mais aussi très réservé, aussi n'échangerons-nous pas beaucoup. La chambre est chère (350 Kunas soit 50 € la nuit) mais bien, et c'est la fin de notre voyage, nous n'avons pas trop dépassé le budget, aussi pouvons nous nous octroyer quelques extras.
Notre premier soir à Split (dans la vieille ville), vendredi 4 décembre, nous sortons avec le matériel. Nous appelons Loyrz (=Lovré), notre contact à Split, mais il ne répond pas. Nous allons manger dans un « buffe », un petit restau avec des grandes tables à partager. Très convivial, bouffe pas chère mais...pas terrible.
Nous rencontrons un vieil homme qui nous parle en Croate alcoolisé, nous l'avons trouvé beau et l'avons photographié >
Nous marchons dans la vieille ville, petite et labyrinthique, nous entrons dans des bars pour nous renseigner, personne ne sait rien d'un quelconque concert prévu dans la ville ce soir. Il y a un festival de blues mais il a lieu dans une grande salle. Ce n'est pas intéressant pour nous. Nous en sommes un peu surpris par ce manque d'activité, alors même que de nombreux bars sont animés. Nous n'insistons pas et rentrons. De plus il fait froid. Demain est un autre jour !
Ce « demain » nous réserve un grand soleil, aussi sommes-nous de bonne humeur ce matin-là et partons d'un bon pied approfondir notre connaissance de cette ville. Split est une belle ville. La vieille ville, dont une grande partie est un ancien palais fortifié, est aussi inscrit à l'UNESCO. Notre voyage est aussi un tour des lieux UNESCO finalement....
Nous prenons un bon petit déjeuner fait de strudels à la cerise et de « cougnas », (un petit confit de coings, délicieux !) dans un petit café sympathique où nous sommes accueillis par un patron non moins....sympathique. L'homme, un sexagénaire averti, parle un très bonne anglais et un français non moins honorable. En 1966, alors qu'il était un « clean hippy » (dixit), le patron a fait un tour d'Europe en auto-stop. En ce temps là c'était facile, dit-il. En 1993, alors qu'il était maitre de réception à l'hôtel Bellevue tout proche, il a reçu François Mitterrand. L'ancien président était alors en visite non officielle, et avait l'intention de se rendre à Sarajevo, alors en pleine guerre, pour montrer que c'était possible d'y aller. Nous n'en savons guère plus, mais d'après le patron, Mitterrand n'est jamais arrivé à Sarajevo, il a rebroussé chemin, pour des questions de sécurité non assurée. Tu m'étonnes, Sarajevo était alors littéralement encerclée par les chars et était criblée de balles et de bombes ! Mais Kermite était fort en communication, aussi a-t-il certainement su tirer parti de cet évènement. Le patron a aussi rencontré Kouchner alors qu'il était encore à MSF. Bref, le patron a vécu, respect !
ZINEDIN ZIDAN
Une bonne nouvelle, nous avons su grâce au magazine de la ville déchiffré par le patron qu'un groupe se produit ce soir sur la place publique : Zinedin Zidan (!) Nous avions vu l'affiche d'un concert de ce groupe à Mostar, en Bosnie, mais la date était déjà passé, le nom et l'affiche nous avait interpellé, nous sommes contents de pouvoir les voir ici ! Le groupe joue sur la place principale de la vieille ville, une bien belle place. Il fait un peu froid, aussi y -a-t-il peu de monde. Tout de même 200 personnes à peu près, mais la grande place semble vide quand même. Nous arrivons juste quand le groupe commence. Basse , batterie, guitare, chant. Quatre jeunes gars dans le vent.... ce n'est pas les Beatles., mais les Zinedin Zidan jouent un mélange réussi de rock-reggae-funk, qui me rappelle un Bersuit Vergaravat, un excellent groupe argentin. Nous enregistrons quelques morceaux. Le son n'est pas optimal, la guitare, la basse et les chants sont repris dans la sono, tandis que la batterie reste acoustique. Du coup il y a un déséquilibre. En nous rapprochant de la scène, donc de la batterie, le résultat est meilleur. Leur musique nous a plus, ainsi que ce qu'il dégagent sur scène. Une belle énergie, du mouvement, et un certain humour. Dommage que nous ne comprenons pas les textes. Le chanteur nous expliquera qu'ils sont assez politiques, ce que nous avions perçu à travers quelques bribes de mots. Le groupe devant débarrasser la scène et partir assez rapidement, nous n'échangerons malheureusement guère plus avec ces joyeux drilles. Mais vous retrouverez très bientôt en écoute un de leur morceau.
FESTIVAL DE KLAPAS
Notre programme suivant est un festival de Klapas qui a lieu à Soline, une ville voisine de Split. Cet après midi-là nous avions vu un groupe de klapa jouer sur le front de mer et avions discuté un peu avec un membre qui nous avait informé qu'ils jouaient aussi dans ce festival le soir. Une klapa est un groupe de chant a capella, composé d'hommes ou de femmes.
Nous étions curieux d'en savoir un peu plus, d'autant que nous n'avions pas encore ce style musical dans notre répertoire. Après le concert de Zinedin Zidan, nous voici donc dans un bus pour Solin. Nous aurons un peu de mal à trouver la salle, un grand gymnase , aucune pancarte n'indiquant la soirée. Mais toutes les personnes à qui nous avons demandé notre chemin étaient au courant du festival. Nous arrivons en retard, en plein concert, dans ce gymnase bien rempli (400 à 500 personnes). Dès la première minute, nous sommes conquis par ce son, quasi mystique. Chaque groupe , composé soit d'hommes soit de femmes , jamais les deux mélangés, chante un seul morceau. Les groupes s'enchainent vite, chaque chanson durant deux à trois minutes environ. Tous sont vêtus d'habits traditionnels.
Nous enregistrons tous les morceaux, et faisons plusieurs vidéos. Malgré la taille et la nature de la salle faite pour tout autre chose que la musique, je suis surpris par la qualité du son et de l'acoustique. La réverbération est faible pour un endroit de cette taille. L'équipe a fait du bon boulot. Le festival Oj' More Duboko est une grosse production. Le concert est enregistré en audio et vidéo. Le concert se termine par deux chansons avec tous les artistes, soit environ 80 chanteurs et chanteuses sur scène. Nous, nous sommes ravis d'être venus jusqu'ici découvrir ces groupes de klapa, et ravis de cette soirée productive ! Vous découvrirez une vidéo d'un de ces groupe bientôt ici.
NINO
A Split, nous avons aussi rencontré Nino. Nino est un guitariste-chanteur de rue. Il a joué dans différents pays. La voix de Nino est marquée par cette vie. Nino, sensible au fait que nous nous arrêtions pour l'écouter, nous a joué un morceau. La guitare de Nino était désaccordée, ce qui ne semblait guère le déranger. Ninon nous parle dans un mélange d'anglais, allemand, espagnol et français, yahouuuuu !!!! Vive Nino !!!
Nino nous mené à Mladen. Mladen a une galerie à quelque mêtres de l'endroit de Nino. Mladen est peintre. Il expose ses peintures dans une entrée d'immeuble, un couloir. Mladen a étudié à l'école des beaux-arts de Ljubljana, capitale de la Slovénie. Dans le cadre de ses études, Mladen a réalisé quatre films, tous illustrés musicalement et faisant la durée d'une chanson. Mladen nous a donné ces films. Peut-être les diffuserons-nous un jour sur ce blog ! En tout cas, merci à toi Mladen !
Nous quittons Split et continuons notre chemin vers le Nord-ouest, contents d'être venus dans cette ville., riche musicalement. Nous longeons encore un peu la mer et passons par Zadar, une autre ville fortifiée, bien plus petite et bien moins belle que Split.
Le village de Primosten, sur la route entre Split et Zadar :
Nous quittons ensuite la mer pour aller vers le Nord et rejoindre la Slovénie, en passant par Karlovac. Cet itinéraire nous met sur une route principale sans passer par l'autoroute. Enfin, si, un peu quand même, mais peu. Comme en Serbie, l'autoroute est chère ici. Elle nous emmène sur un plateau sauvage bordé de montagnes de moyenne altitude (1700m) aux sommets légèrement blanchis. Il fait 10° le jour, 5° la nuit.
Nous passons par le parc naturel de Plitvicka Jezera, une suite de lacs, gorges, et cascades sur différents niveaux. Ca à l'air magnifique mais nous ne nous arrêterons pas. Dans les régions du nord, le niveau de vie semble très différent de celui de la côte. Cela se voit aux maisons non finies, nombreuses ici , rares sur la côte.
Nous arrivons à Karlovac dans la soirée et faisons un peu de course avec nos derniers kunas. Nous trouvons un supermarché de cosmétiques (!) ayant un petit rayons alimentaire bio (!!). Nous sortons de la ville pour trouver un endroit pour la nuit. Nous avons repéré un endroit qui semble tranquille, un chemin au bord d'un fleuve. Nous nous arrêtons, sitôt la porte de la maison d'en face s'ouvre. Une dame sort, prend une lampe torche, un téléphone, et vient vers nous après une longue hésitation. Elle nous menace d'appeler la police si nous ne déguerpissons pas vite fait ! Nous essayons de négocier, rien à faire. Nous sommes peut-être sur ses plates-bandes. Quoi qu'il en soit, cette vieille acariâtre était fort agressive. Mal-aimés, nous repartons aussi sec et allons chercher un coin plus accueillant, juste avant la frontière slovène. Notre dernier bivouac croate sera calme, mais froid et humide, peut-être une façon de nous dire qu'il est temps de rentrer. Nous sommes le 7 décembre, J – 7 !
Notre bilan de la Croatie est très positif. Ce pays est doté de paysages magnifiques, en particulier la côte. Quand aux gens, nous n'avons pas fait de rencontre extraordinaire, mais avons établi pas mal de contacts et trouvé beaucoup de musiques différentes. Le pays est plus « développé » et riche économiquement parlant que la Bosnie ou la Serbie. Mais les possibilités sont limitées ici aussi, ne serait-ce que par la géographie du pays.